Quand on parle d’agriculture régénératrice, on parle beaucoup de mise en place de couverts végétaux, de la réduction du travail du sol, de la diversification des espèces cultivées, etc. Mais l’agriculture régénératrice c’est avant tout retravailler les fondamentaux agronomiques. Chez Icosystème, nous utilisons la méthode de « l’enquête agronomique », qui consiste à résoudre dans l’ordre les facteurs limitants du potentiel des sols, en commençant prioritairement par la structure du sol et ensuite le pH. Focus dans cet article sur le pH et l’acidité des sols.
Comprendre les pratiques qui acidifient le sol
Il est tout d’abord important d’identifier les pratiques culturales qui ont un impact sur l’acidification du sol :
- la cause la plus courante d’acidification des sols est l’application d’engrais azotés de synthèse (amonitrate, urée, sulfates d’ammonium). Il est ainsi courant que l’acidité soit plus élevée en surface ou dans l’horizon supérieur du sol en lien avec le positionnement des engrais azotés
- la réduction du travail du sol ou le non labour va réduire le volume de sol que l’on brasse, et donc l’acidification sera plutôt localisée dans les horizons les plus superficiels du sol
- L’irrigation peut avoir un impact pour différentes raisons : une eau d’irrigation acide va acidifier le sol et vice versa. Il est donc important de mesurer le pH de l’eau d’irrigation au préalable. La lixiviation des bases (notamment celles formées avec les cations Ca2+, Mg2+, K+ et Na+) par l’eau induira une acidification du sol (une des solutions pour éviter la lixiviation et la perte de nutriments est de cultiver des plantes de couverture). De plus, si l’irrigation provoque une accumulation de sels dans le sol, certains d’entre eux (les sulfates ou les composés sulfurés par exemple) pourraient diminuer le pH.
- L’apport de soufre ainsi que la minéralisation de l’azote organique présent dans la matière organique (MO) participent également mais dans une moindre mesure à l’acidification des sols.
Bon à savoir
La mise en place de CIPAN, cultures intermédiaires pièges à nitrates (par exemple le seigle, l’avoine, la moutarde blanche, la navette) durant l’interculture contribue à limiter le phénomène d’acidification des sols dû aux apports d’engrais azotés car elles empêchent les ions nitrates d’être lixiviés.
Pour aller plus loin, visionnez cette vidéo Icosystème sur l’acidité des sols :
Procéder à une analyse de terre pour établir un diagnostic
Face à un sol trop acide, il convient d’abord de faire une analyse de pH pour établir un diagnostic et ensuite bâtir une stratégie de chaulage.
Attention, le pH variant à travers le champ et avec la profondeur, il est nécessaire de prendre en compte ces éléments dans son analyse :
- Echantillonnage à trois niveaux de profondeur : il est possible d’observer une stratification du pH dans certains sols due à certaines pratiques citées plus haut. L’échantillonnage à trois niveaux de profondeurs fournira le meilleur aperçu du pH (3 à 7,5 cm, 7,5 à 15 et 15 à 30 cm).
- Les moyennes de terrain peuvent également masquer des problèmes de pH. Ainsi, avoir une analyse fine du pH dans la parcelle est importante grâce à des outils de mesure de précision.
- Il est également important de prendre en compte que le pH du sol fluctue durant la saison. Il est au plus haut durant l’hiver et il diminue au printemps jusqu’à atteindre son point le plus bas en été. C’est l’activité biologique, en minéralisant l’azote organique du sol qui acidifie jusqu’à -1 point le pH du sol.
Corriger un sol trop acide avec le chaulage
Le chaulage a une double action : il neutralise les ions H+ et apporte du Ca qui a un rôle de fortification de la structure (le calcium fait le pont entre éléments minéraux et organiques du sol).
Quel type d’amendement pour quel effet ?
Il existe de nombreux types d’amendements calcaires pour augmenter un pH, dont l’effet sur la valeur pH est représenté par la valeur neutralisante (VN).
Le choix du produit dépend de l’effet souhaité. Si la valeur pH doit être relevée rapidement, on parle de chaulage de correction. Si la valeur pH doit être maintenue à long terme dans la zone souhaitée, des chaulages d’entretien doivent être envisagés régulièrement.
La rapidité d’action du produit dépend de deux paramètres : la finesse de mouture de l’amendement et le choix de la formule chimique :
- Plus fine est la mouture, plus l’action de l’amendement calcaire sera rapide en raison de l’agrandissement de la surface des particules. Si un effet rapide est souhaité, le produit devrait contenir au moins 90% de particules fines < 0.1 mm
- Concernant la formule chimique, les oxydes de calcium et de magnésium agissent plus rapidement que les carbonates de calcium et de magnésium.
Cela étant dit, différents types d’amendements sont conseillés selon le type d’action que l’on vise :
- Pour un chaulage de correction (ou de redressement) : Pour un chaulage de correction, il convient de choisir des produits avec un effet rapide. Il est possible d’utiliser de la chaux vive ou de la chaux vive magnésienne contenant des oxydes (CaO/MgO), dont l’action est visible en quelques semaines. Il est aussi possible d’utiliser des carbonates de calcium ou de magnésium (CaCO3/MgCO3), mais contenant au moins 90% de particules fines <0.1 mm. Il faudra choisir dans un premier temps des cultures peu sensibles à l’acidité, en attendant que le pH remonte (comme le maïs, les prairies et éviter des cultures sensibles comme les légumes, la luzerne et l’orge).
- Pour un chaulage d’entretien : Lorsque l’amendement doit avoir un effet à long terme comme souhaité lors d’un chaulage d’entretien, les amendements choisis sont à base de carbonates broyés (CaCO3/MgCO3), et de mouture plus grossière (entre 0.5 et 1 mm), qui peuvent être épandus avec un semoir à engrais.
Comment calculer la quantité d’amendement nécessaire ?
La quantité d’amendement nécessaire est à calculer en fonction de la CEC (capacité d’échange cationique, mesurée par analyse de sol) et de l’objectif de pH eau recherché, on calcule la dose de VN nécessaire.
Attention toutefois :de trop grosses quantités de chaux apportées en une fois peuvent avoir une influence négative sur la disponibilité du phosphore, des micro-éléments et sur la vie du sol. Ainsi, des quantités de chaux supérieures à 2 t CaO/ha doivent être généralement fractionnées sur plusieurs années.
Reste ensuite à contrôler régulièrement l’acidité de la parcelle, tous les 3 à 4 ans, à la même période et dans les mêmes zones.
La qualité de l’incorporation de l’amendement est primordiale : une préincorporation de l’amendement avec des outils de déchaumage est recommandée avant un travail plus en profondeur par le labour.
Bon à savoir
Pour ceux qui ne travaillent pas le sol : en semis direct, l’idée est d’en mettre moins mais plus souvent : on met globalement 2 ou 3 fois moins de quantité d’amendement en volume, mais chaque année.
Si le sol a une bonne structure physique, un pH correct, la prochaine étape de l’enquête agronomique consistera à s’intéresser à la matière organique – quantitativement et qualitativement.
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